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La définition appropriée donnée à ce qu’est une population immigrante change d’un pays à l’autre. D’après l'OCDE, il est tout de même possible d’apporter une image internationalement comparable basée sur des critères de naissance ou sur la nationalité. Ceux-ci sont les deux premiers paramètres les plus couramment utilisés pour définir cette population. À proprement parler, la population immigrée est constituée de personnes résidant dans un pays mais nées dans un autre pays, et qui ont toujours la nationalité de leur pays de naissance. Le cadre juridique légal entourant les migrations est le reflet de cette définition.
Cette définition a donc largement été reprise et réadaptée selon les différents contextes et voies de diffusion. De plus, trop souvent l’immigration n’est abordée qu’en termes de ce qu’elle a et peut amener au pays d'accueil. De nombreuses études se sont focalisées sur le mouvement migratoire en lui-même mais cette vision floute tout un pan de sa réalité : le point de vue de celui qui migre lui-même.
Cette optique n’efface-t-elle pas toute une dimension qui est pourtant vécue par de nombreuses personnes? Il est intéressant de comprendre ce qu’implique réellement l’acte de migrer pour celui qui décide de le poser.
La première étape : prendre la décision de partir
L’immigration est un processus qui doit être pensé. L’acte d'émigrer implique de nombreuses obligations et sacrifices devant être pesés et repesés avant d’effectivement tout quitter pour un autre ailleurs. Il y a une série d’étapes par lequel le migrant passe :
Ces étapes peuvent, à leur tour, être classé en trois groupes d’étapes pensés par Agnes Toth-Bos, Barbara Wisse et Klara Fargo dans International Journal of Intercultural Relations en 2019 :
Avant la migration;
Pendant la migration et le rapatriement éventuel quand ils ont remis en question toute l'idée et auraient aimé pouvoir rentrer chez eux;
Poursuite de la migration.
Est-ce que tous les migrants passent par chacune de ces étapes ? Les voyages ont tendance à comporter plusieurs étapes, car les personnes traversent d'un endroit à l'autre, parfois à des vitesses différentes. Certains finissent même par devoir traverser la même frontière plusieurs fois. Les plans changent et les décisions évoluent au fur et à mesure que le voyage se déroule, en réponse à des circonstances extérieures, les informations recueillies et les personnes rencontrées en cours de route (Journeys to Europe, 2016).
L'acte de départ : en quoi consiste-il ? Les risques pris
Il est tout d’abord important de rappeler qu’une grande majorité de l’immigration irrégulière transnationale se fait de manière légale, en avion avec l'acquisition d’un visa. Les immigrés irréguliers se retrouvent ensuite dans une situation où leur visa n’est plus valable.
Quand la migration se fait par des voies illégales, venir en Europe nécessite de passer beaucoup de frontières. Ce chemin va avoir un impact sur de nombreuses perspectives pour le migrant. Comme l’avance Schapendonk (2012) “Ce ne sont pas tant les débuts (le A) et les fins (le B) qui importent, mais plutôt l'entre-deux, la trajectoire elle-même... L'évolution spatiale d'une trajectoire influence la poursuite de la même trajectoire.” L’expérience vécue lors du transit va être déterminante pour la suite du trajet. En tant que tel, les spécialistes de la migration sont de plus en plus conscients que le parcours est une partie importante du tableau pour comprendre les impacts des mouvements transnationaux (Collyer, 2007 ; BenEzer et Zetter, 2015 ; Schapendonk, 2012).
Il s’agit d’un voyage incertain et dangereux. Beaucoup d’immigrants quittent tout sans savoir où ils arriveront réellement. Ce voyage se fait au hasard des rencontres et informations qu’ils feront et qu’ils auront. Cela ne devrait pas être laissé à une si grande part de chance ou de malchance (Gladkova et Mazzucato, 2015).
Cette immigration n’est souvent jamais une ligne droite d’une destination A à une destination B. Il faut faire face à de nombreuses contraintes comme une limitation financière ou sociale ainsi qu’un contrôle des frontières. Il y a également le risque des passeurs malhonnêtes qui pèsent sur tous.
Ceux qui restent derrière
Lorsque la question de la migration est abordée, la plupart des études qui ont été réalisées portent davantage sur la manière dont les Hommes qui émigrent réussissent à s'intégrer dans les lieux de destination plutôt que sur l'impact de leur absence sur la transformation sociale et économique de leur pays d'origine, et plus particulièrement sur la place occupée par ceux qui restent dans cet espace.
Il s’agit bien évidemment d’un aspect fondamental à étudier mais cette vision de la migration efface un aspect pourtant très important de celle-ci : ceux qui restent derrière. Rarement, il est fait mention du point de vue de celles et ceux qui restent vivre dans leur pays d’origine. Jusqu’à présent, la littérature a beaucoup fait abstraction de ceux qui n’ont pas émigré alors qu’ils subissent de plein fouet le choix de leurs compatriotes et participent à la création de cet « imaginaire migratoire » (Fouquet, 2007, p. 84).
Pourtant, grand nombre des personnes faisant le choix de s’en aller laissent derrière ellesune chose importante : leur famille ; et le vide laissé est pour elles difficile à combler. Le départ d’un membre de famille vers un autre pays crée un réel vide social et économique chez ceux qui restent au pays d’origine.
Cependant, la migration profite tout de même à la famille restée au pays. De nombreuses études montrent les effets positifs des transferts de fonds sur les membres de la famille restés au pays (Journeys to Europe, 2016). La migration est souvent décrite comme un investissement de la part du migrant et de sa famille, dont le retour sur investissement prend la forme de gains plus élevés dans une destination migratoire plus développée. Dans ce contexte, les envois de fonds constituent souvent la part du rendement de l'investissement de la migration qui revient aux individus dans le pays d'origine du migrant (Dean Yang, 2015).
Les migrations sont touchées par une triste réalité : tout le monde n’arrive pas en sécurité à sa destination. Beaucoup de personnes meurent sur le chemin. Selon le projet "Migrants disparus" datant de 2015 et relaté dans le rapport “Journeys to Europe” de 2016, au total 3 760 personnes sont mortes en traversant la Méditerranée en 2015. La majorité est morte en Méditerranée centrale en voyageant depuis la Libye à l'Italie ou à Malte.
Se reconstruire une vie n’est également pas une chose facile à faire, demandant de devoir surmonter de nombreux obstacles et de devoir faire des sacrifices.
Il serait donc pertinent pour nos autorités de comprendre comment et pourquoi ces personnes empruntent les routes qu’ils prennent afin de pouvoir œuvrer à rendre ce voyage plus sûr. Une meilleure compréhension permettrait aussi beaucoup plus d’empathie envers les migrants.
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