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L’héritage du passé colonial des pays européens a indéniablement eu un impact non négligeable sur les mouvements migratoires que nous connaissons actuellement. Cet héritage est nourri par la persistance de stéréotypes et préjugés à l’encontre des populations colonisées.
Philippe Bernard, journaliste, écrit que “s'il est banal de constater et même de dénoncer la persistance des stéréotypes coloniaux dans le sort réservé aux populations issues de l'immigration, considérer certains flux migratoires comme les conséquences de la colonisation relève du tabou”.
Plusieurs des pays membres de l’UE ont, pendant de nombreuses années, été présents dans des pays dont les concitoyens souhaitent aujourd’hui rejoindre les portes de l’Europe, souvent au risque de leur vie. L’Union Européenne, à travers sa Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et Libertés Fondamentales et en alignement avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, s’est mise comme devoir de protéger et d’assurer justice pour tout individu. Pourtant, de plus en plus de pays adoptent des politiques de frontières et des politiques migratoires austères. Il est alors légitime de se poser la question : L'Europe a-t-elle une responsabilité envers les individus migrants qui cherchent à atteindre leurs portes ?
La compréhension de l’immigration à travers l’héritage colonial est un point clé offrant une perspective nouvelle aux politiques migratoires pouvant être envisagées. Prenons l’exemple de la France, presque 40% (Insee, 2018) de sa population immigrés est composées de citoyens issus d’anciennes colonies françaises, avec notamment une grande représentation d'individus issus du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et de Côte d’Ivoire souhaitant atteindre ses frontières.
Les sociologues Abdelmalek Sayad et Pierre Bourdieu, au sujet du cas français avait pu démontrer comment “la confiscation des terres consécutive à la colonisation puis, pendant la guerre d'Algérie, la politique française de regroupements forcés et massifs de villageois avaient puissamment contribué aux départs vers la métropole, dans un contexte de libre circulation” (Philippe Bernard, 2006).
Moins il y en a, mieux c'est
Les politiques de frontières et politiques migratoires de certains européens orientées vers un filtrage massif des migrants et réfugiés marque un recul dans la protection des vies et des droits des réfugiés et des migrants. La Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, écrit “Le long de la route de la Méditerranée centrale, tout particulièrement, nombre de mesures prises récemment semblent viser à institutionnaliser une pratique consistant à laisser aux garde-côtes libyens la voie libre pour intercepter les personnes qui se trouvent en mer, ce qui a donné lieu à près de 20 000 retours en Libye, où les personnes sont exposées à de graves violations des droits de l’homme”.
L’immigration n’est pas une menace à l’intégrité d’un pays mais devrait être vue comme une opportunité de développement et il serait donc intéressant pour les Etats d’aller dans ce sens car il y a un déclin démographique et un manque de main d'œuvre disponible sur le marché du travail Européen, notamment.
Prenons l’exemple de l’accord conclu en 2006 entre l’UE et la Turquie. L’UE a promis à la Turquie 6 milliards d’euros pour que celle-ci aide dans la régulation du flux migratoire vers l’Europe en accueillant les réfugiés venus de Grèce qui se retrouvent non-éligible pour les conditions d’asile et un accroissement du contrôle de ses frontières. Cet accord a mené à des conditions précaires et inhumaines pour les réfugiés bloqués dans les îles grecques.
En tant que contributeur financier important à la coopération au développement, l'UE devrait poursuivre ses efforts pour s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés. Cela ne doit cependant pas conduire à utiliser l'aide au développement pour renforcer la "forteresse Europe" (European Movement International, 2017).
Les répercussions plus larges de cette situation ne doivent pas être sous-estimées. Il est difficile de voir comment l'Europe peut demander aux pays partenaires de garder leurs portes ouvertes, d'accueillir des populations de réfugiés à grande échelle et d'empêcher de nouveaux mouvements alors que, dans le même temps, les États membres refusent d'assumer leur part de responsabilité dans la protection des personnes qui fuient leur foyer (Joint NGO Statement ahead of the European Council of 28-29 June 2016).
Assumer la responsabilité européenne dans la gestion des flux migratoires permettrait de restaurer une partie de l’équilibre de force en jeu entre les pays colonisés et le continent Européenne. Cela pourrait également devenir une base solide afin de lutter contre le phénomène des passeurs de migrants et pousser moins d’immigrants à faire le choix des routes illégales migratoires qui sont dangereuses.
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Sources
https://www.lemonde.fr/livres/article/2006/10/12/de-la-colonisation-a-l-immigration_822517_3260.html
https://www.lemonde.fr/livres/article/2006/10/12/de-la-colonisation-a-l-immigration_822517_3260.html
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