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Lorsque l’on aborde le thème des migrations, une des premières images qui vient immédiatement à l’esprit est celle de la misère africaine et orientale. Des pays extrêmement pauvres, sans perspectives d’avenir et arides, poussant ses citoyens à rêver d’ailleurs. A contrario, l’Europe nourrit toutes les envies d’un nouvel Eldorado riche et prospère. C’est ce qu’on appelle le Rêve Européen. Ce rêve offre une représentation métaphorique de la terre étrangère comme étant "prospère" et fait référence à un endroit où il est relativement facile pour les migrants de commencer une vie nouvelle et réussie.
La notion d’imaginaire désigne l'ensemble des éléments qui s'organisent, pour un groupe donné mais à son insu, en une unité significative, d’après l’auteure Florence Giust-Desprairies dans son livre L’imaginaire collectif. Cet imaginaire nous influence en tant que société et guide les perceptions et interprétations de ce qui forme notre monde.
Le migrant serait désespéré, profiteur et cupide. Il serait voleur et violent. Ce serait un criminel indésirable. Il est dépeint d’une manière apocalyptique, faisant le choix de mettre sa vie à risque en traversant l’océan dans une embarcation bancale. Cet imaginaire est influencé par des clichés et stéréotypes et nourrit le mythe du mauvais migrant. Ces clichés sont criblés d'interprétations erronées grandement alimentées par la presse sensationnelle et prennent donc une place importante dans l’esprit collectif.
Ces interprétations ne sont donc pas entièrement basées sur des données fiables. Mais ne devrions-nous pas prêter attention à la manière dont elles influencent notre système de prise de décision politique ? Ces idées fausses peuvent influencer les électeurs et donc les partis anti-immigration qui ont leur mot à dire dans les politiques européennes de migration. Il est donc pertinent d’interroger le concept contemporain de cet imaginaire négatif du Migrant afin de pouvoir le déconstruire dans nos esprits.
Le discours anti-immigration avance des raisons sociales et économiques comme justificatif. Le multiculturalisme et la difficulté d’intégration des communautés immigrantes dans celles natives ne seraient pas bon pour la nation. Cette manière de penser, influencée par la narrative du mauvais migrant, mène à une perte d’empathie pouvant aller d’une discrimination devenue systémique à des dérives comme la violation de leurs droits humains.
Pourtant, l'impact positif de l'immigration pour le pays d'accueil est non négligeable. “L'immigration n'est pas un danger pour la croissance, l'emploi ou les dépenses publiques” disent les économistes. Elle peut contribuer à réduire une pénurie de main-d'œuvre. Les immigrés ne contribuent pas seulement à la croissance de la main-d'œuvre : ils investissent également dans leur pays d'accueil et contribuent à la création d'emplois, selon un rapport sur les perspectives du développement mondial de 2017 : International Migration in a Shifting World de l'OCDE.
Lorsque l’on regarde du côté de l’Allemagne, on se rend compte que la réalité du terrain ne colle pas avec ce discours. Le pays a vécu ses dernières années de grandes vagues migratoires et voit pourtant son taux de chômage décliner depuis 2010. En effet, l’Allemagne connaît une pénurie de travailleurs et l’arrivée de migrants, qualifiés ou non, permet de soutenir l’économie allemande. L’ancien directeur de l'Institut de recherche empirique sur l'intégration et les migrations de Berlin le confirme: "Si les Allemands veulent maintenir leur bien-être économique, nous avons besoin d'environ un demi-million d'immigrants chaque année”.
L’Italie est aussi à observer : les migrants ont supporté 600 000 pensions annuelles grâce à leurs contributions sociales. Ils soutiennent également les entreprises italiennes. D’après Stefano Solari, qui est le directeur de la Fondation Leone Moressa, ils sont responsables de la création d'une nouvelle entreprise italienne sur cinq et permettent à de nombreuses autres entreprises de survivre. Au total, la contribution des étrangers à la création de richesses est de 125 milliards d'euros.
On peut alors revenir sur plusieurs mythes:
Non, les migrants ne viennent pas pour voler le travail d’autres plus méritants et n'augmentent donc pas le taux de chômage. Au contraire, ils ont plus tendance à accepter des emplois faiblement rémunérés et peu qualifiés.
Non, les migrants ne pèsent pas sur les dépenses publiques. Un grand nombre d’entre eux sont employés et paient donc des taxes au gouvernement. En fait, ils coûteraient plus au contribuable lorsqu’ils sont mal intégrés.
Non, les différences culturelles ne sont pas impossibles à conjuguer et à intégrer dans une seule société.
"La migration est un résultat naturel du développement économique qui peut profiter à la fois aux pays d'origine et de destination. Cette tendance est là pour durer, elle doit donc fonctionner pour tous les pays", a déclaré Angel Gurría, le secrétaire général de l'OCDE. Le Pacte mondial pour une Migration Sûre, Ordonnée et Régulière proposé par les Nations Unies est une évolution positive vers la promotion d'une coopération internationale plus efficace.
Repenser le récit négatif autour des migrations doit être un effort commun. C’est une question vitale que tous devraient se poser afin de pouvoir prendre le contre-courant des médias et que plus personnes ne soient préjudicié dans les prises de décision de nos politiques.
En savoir plus :
Sources :
https://www.oecd.org/migration/better-international-co-ordination-could-lead-to-more-worldwide-benefits-from-migration.htm
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