Chaque jour nous observons ces protagonistes de l’immigration clandestine qui tentent de traverser la Méditerranée pour atteindre le continent européen.
La plupart du temps, nous voyons des jeunes hommes et des jeunes femmes, parfois même des enfants, prêts à mettre leur propre vie en danger durant tout le trajet, à la conquête d’une vie plus facile, espérant également offrir à leurs proches, principalement aux parents restés au pays, un meilleur niveau de vie.
D’ailleurs, dans la plupart des cas ce sont ces mêmes parents qui les poussent à entreprendre ce voyage très périlleux. Malheureusement, beaucoup d'entre eux n'atteignent pas leur destination en perdant la vie pendant le voyage ou en étant rapatriés dans leur pays d'origine et ceci engendrant un rêve brisé.
Tout commence en bas âge, lorsque les enfants observent les images publicitaires des produits vendus dans les pays africains. Ce n'est pas rare de les voir aussi sur les étiquettes de la nourriture et sur celles des produits cosmétiques.
Nous pouvons y remarquer la photo d’une famille occidentale, très souriante, dans une maison avec un décor qui donne l’impression d’une forte aisance économique, sociale, mais surtout matérielle. Ce qui éblouit le plus c’est l’insouciance des petits sur la photo, leur propreté, l’ordre, mais particulièrement le nombre de jouets qui les entourent.
Alors, déjà l’enfant commence à rêver ce monde inconnu où il semble qu’être un enfant, se comporter comme un enfant, est beaucoup plus facile. Cette intuition d’une possibilité de vie meilleure en Europe devient petit à petit une conviction. En voyant les chaînes télévisées de son pays diffuser des films élaborés en Europe ou aux Etats Unis, où il voit des personnes toutes bien vêtues, où presque tout le monde possède une voiture neuve, des routes immenses et propres, des maisons comme celles qu’il voyait sur les images publicitaires quand il était plus petit.
En outre, dans les films, même si un des acteurs interprète le rôle d’un pauvre, son personnage n’est jamais aussi pauvre que lui et pourtant il ne fait même pas parti des plus pauvres de son pays et on le sait: les films et les pièces de théâtre montrent la réalité d’un pays.
L’autre facteur qui alimente cette croyance est la fausse image donnée par les immigrés de retour au bercail. Ils montrent presque toujours une grande disponibilité financière à travers leur comportement. Dès qu’ils arrivent, ils cherchent au plus vite une belle voiture qui leur servira pour faire le tour du quartier, mais aussi pour aller se vanter chez leurs proches afin de montrer leur réussite. En Afrique la voiture privée fait partie des signes d’aisance.
Nous pouvons aussi observer que souvent, lors du deuxième retour dans la terre des ancêtres, ils commenceront la construction d’une maison et ils promettront à la plus belle fille du quartier de l’épouser. Presque toujours cette dernière n’hésitera à accepter, persuadée de changer finalement sa vie, en devenant dans le futur la maîtresse de la maison en cours de construction. Durant tout le long de leur séjour, certains parents de jeunes les approcheront afin d’obtenir des informations sur comment faire voyager leur progéniture. En ce moment, ce songe de l’Europe devient commun, pour toute une famille, pour un quartier entier, pour toute une ville et pour tout un pays, même s’il est différemment conçu par les personnes ou par chaque membre de la famille. On pourrait dire que tout dépend de la position familiale.
Dans la vidéo ci-dessous vous pouvez voir l’interview de l'écrivaine Fatou Diome qui explique bien ce fait:
Immigration ou sacrifice parental ?
Les différentes visions de la zone Schengen dépendent toutes de la hiérarchie que l’on possède au sein de la famille, par exemple les ainés du sexe masculin sont ceux qui voient le plus l’occident comme un continent où il faut s’installer, enfin une maison ou une chambre pour eux tout seuls, la liberté financière, une sécurité sanitaire, une assurance dans le travail.
En même temps, en Afrique, il gagnera l’admiration de ses compagnons qui n’ont pas pu voyager, mais aussi le respect des plus jeunes, en commençant par sa famille, ainsi que la sympathie des vieux.
En ce qui concerne la conception de cette partie du monde par les jeunes du genre féminin de la famille, ces dernières l’associent généralement à la conquête d’une liberté personnelle, d’une grande sensation d’égalité entre elles et les hommes, qui malgré leur refus culturel, continue de résider dans leur subconscient, cette partie de nous-mêmes qui nous connait plus que quiconque et qui abrite nos plus grands désirs.
Ces jeunes femmes ont la conviction d’acquérir plus de droits, de liberté et d’équilibre même si à dire vrai, l’occident a encore beaucoup à faire sur ce contexte, mais reste toujours en avant par rapport à la situation africaine sur les droits de la femme. Elles espèrent aussi pouvoir offrir un meilleur avenir à leurs futurs enfants afin qu’ils ne connaissent pas le fort taux de chômage présent dans le continent africain.
Finalement il y a les parents, qui eux n’imaginent pas l’immigration pour eux-mêmes, mais pour leurs fils et plus particulièrement l’ainé, le premier garçon de la famille. Dans une famille ou l’ainée est une fille et le cadet est un garçon, les parents envisageront de faire voyager à tout prix seulement le garçon. Selon leur pensée, le garçon a plus de force physique et mentale pour pouvoir trouver un bon travail et les assister économiquement.
Il faut aussi dire que les hommes ne tombent pas enceintes, donc pas de risque qu’ils perdent le travail à cause de la maternité. Contrairement aux femmes, ils n’ont pas l’obligation de veiller à ce que leur conjoint ait bien mangé, bien dormi, soit bien habillé, les vêtements repassés à la perfection. D’après eux tout ceci est le rôle de la femme. N'oublions pas aussi que les conjoints ont le droit d’interdire à leurs épouses de travailler, ce qui fait que, en faisant voyager le garçon, la famille a moins de risque de ne pas recevoir le support mensuel. Donc les hommes doivent juste travailler en toute tranquillité.
Ceci montre le calcul insensé de ces parents, qui en fin des comptes, sont en train de choisir quel enfant sacrifier dans le nid afin de subvenir aux besoins de toute la famille. Dans ce cas, le mot sacrifice est choisi au vrai sens du terme car un grand nombre des jeunes qui osent entreprendre ce voyage tellement absurde risquent de perdre la vie ou la dignité.
En revanche ce qui est encore plus déraisonnable est que ces parents le savent, mais continuent d’encourager et de pousser les jeunes à partir, et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Cela ne veut pas dire que nous devons voir ces pères et mères comme des monstres qui pour leur plaisir, leur bien-être et leur confort se désintéressent de la vie d’un de leurs enfants, mais qui voient le voyage comme un synonyme d'espoir et de survie.
Dans une partie de la terre où règne la loi du plus fort et où le choix est fait à partir de la force physique, là où si on a dix enfants, on choisit d’en sacrifier un parmi eux pour le faire travailler dans les mines d’or, dans les champs, dans la mendicité ou de le pousser à l’immigration clandestine, afin de nourrir les neufs autres enfants et les parents.
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